
Entretien avec Vincent de Paul Massassa, Ministre du Pétrole et du Gaz. Ce grand spécialiste, ingénieur des Mines du New Mexico Institut of Mining and Technology aux Etats-Unis, devrait avec succès développer le potentiel gazier gabonais avec des prévisions de revenus pétroliers en hausse en 2022
Quels sont les objectifs assignés au secteur des hydrocarbures par le Plan d’Accélération de la Transformation (PAT) ?
Le ministère en charge des hydrocarbures au Gabon a pour objectif de traduire la politique édictée par le Chef de l’Etat et l’ensemble du gouvernement en matière d’hydrocarbures aussi bien dans un schéma d’ensemble que dans celui particulier du Plan d’Accélération de la Transformation (PAT). Il s’agit pour nous d’abord de vulgariser nos éléments de la loi régissant le secteur et tous les textes réglementaires, puis d’échanger avec des partenaires potentiels afin que le bassin sédimentaire gabonais soit couvert. Nous devons tout mettre en œuvre pour que les opérateurs déjà présents restent et que d’autres arrivent. Tout ceci dans l’optique d’une meilleure couverture des surfaces existantes tant en onshore qu’en offshore et désormais dans l’offshore profond. Dans ce schéma-là, nous devons nous assurer que les efforts d’exploitation sont maintenus et que les hydrocarbures découverts sont produits. L’effort de renouveler les réserves est essentiel. Il sied par ailleurs de relever que le gaz est désormais considéré comme une ressource à part entière au Gabon. Au départ, nous recherchions des hydrocarbures liquides et non pas gazeux. Toute découverte de gaz était alors accidentelle et ne nécessitait pas l’approfondissement d’études. Or dans le cadre du PAT, il a été mis en place une Taskforce Stratégie gazière dont l’objectif principal est
la valorisation de notre potentiel gazier. Pour amener le Gabon à devenir autosuffisant voire exportateur en ce qui concerne le gaz naturel liquéfié (GNL) ou le gaz de pétrole
liquéfié (GPL), il nous faut forer, produire et avoir des structures pour la transformation (usines, environnements de stockage ou de mise en bouteille). Nous nous y attelons
avec notre partenaire Perenco. Une usine de production de GPL est en construction à Batanga, localité située à 70 km de la capitale économique Port-Gentil, et devra produire
15 000 tonnes de gaz butane par an à compter du second semestre 2023. Cette production devra substantiellement augmenter avec le projet de construction de l’usine de GNL au Cap Lopez, à Port-Gentil, dont la mise en route en 2026 devra booster la production de GPL à 45 000 tonnes par an, couvrant ainsi nos besoins et faisant du Gabon un pays exportateur de GNL et GPL.
Pouvez-vous nous parler du protocole d’accord visant la construction d’un pipeline sous-régional ?
Précisons tout d’abord que tout ce que nous faisons aujourd’hui en matière d’investissement s’appuie sur la rentabilité économique de tout projet. Il faut regarder le
marché. Aujourd’hui, le Gabon a 1,2 million d’habitants. Nous avons un potentiel important en hydrocarbures et nous savons que, dans la sous-région, il y a des pays plus peuplés dont les besoins en énergie sont immenses. Ce sont donc de potentiels marchés pour nous. Nous comptons bien, outre le marché local, être présent sur le marché sous régional voire régional. Or, les moyens de transports traditionnels d’hydrocarbures, voies ferrées, routes, comportent beaucoup de risques. Bien que le
projet de pipeline soit onéreux, il est le moyen le plus sûr garantissant une meilleure coopération énergétique dans la sous-région Afrique centrale voire au-delà. Il s’agit de
réaliser un cluster avec plusieurs pays qui partageront, le cas échéant, les coûts. La rentabilité d’un tel projet est assurément garantie au vu des potentialités des uns et d’immenses marchés que représentent d’autres.
Quelle est votre feuille de route quant à la transition vers des énergies propres ?
Le PAT est la feuille de route idéale vers cette transition. Nous étions restés sur un
schéma d’utilisation du fioul, le plus polluant dans la chaîne d’hydrocarbures. Nous
nous assurons maintenant de nous démarquer des produits les plus polluants grâce à la
production de gaz. Les changements climatiques sont la conséquence aussi des gaz à effet de serre. Le brulage et le torchage étaient donc un élément accélérateur du changement climatique.
Le Président Ali Bongo Ondimba est parmi les fervents défenseurs de notre planète sur la scène internationale. D’ores et déjà, vous pouvez comprendre que le Gabon est bel et bien dans le train de la transition énergétique. Instruction a donc été donnée par le Chef de l’Etat afin d’arrêter complétement le torchage du gaz. Il faut s’assurer cependant de rester en production pétrolière et c’est là que le PAT fait en sorte que les gaz torchés soient recomprimés pour être monétisés avec la destination Gaz to Power, pour la production d’électricité ce que nous faisons déjà à Port-Gentil, à Cap Lopez et à Libreville. Ces gaz sont également utilisés dans la production de GPL. Il va sans dire que cette valorisation de notre potentiel gazier nous permet de nous inscrire dans la transition énergétique avec des énergies moins polluantes, le gaz naturel polluant 30% moins que le fioul.
La Loi n°002 du 16 juillet 2019 portant réglementation du secteur des hydrocarbures au Gabon offre-t-elle des facilités aux investisseurs ?
Non seulement le cadre juridique mais aussi le cadre technique est favorable. Parce qu’auparavant, nous avions deux types de contrat : soit en convention, soit en contrat d’exploitation et partage de production (CEPP). Dans cette nouvelle loi pétrolière, de nouveaux schémas contractuels ont été introduits. Nous ne désirons pas nous résoudre à ne signer que des conventions ou des contrats de partage de production. Toute la gamme des contrats intermédiaires est dorénavant proposée aux opérateurs. Il y a également des évaluations techniques sous forme de contrats pour étudier la faisabilité.
Nous regardons aussi bien la fiscalité que la parafiscalité, les niveaux de récupération pour les nouveaux entrants, les coûts en partage de production, etc. Tout est discutable en fonction de la difficulté, de l’effort consenti par les opérateurs. Nous avons une grande flexibilité ce qui fait notre attractivité. Les pionniers ont plus de chance car ce sont eux qui prennent le risque et seront nos compagnons de marche pour des partenariats gagnant-gagnant. De grande choses restent à accomplir. Au Brésil, des
gisements ont été découverts à plus de 2 000 mètres de profondeur. Or, ce qui nous sépare géologiquement est la grande faille atlantique avec la conséquence que ce qui est à l’Ouest en face se répercute chez nous à l’Est. Nous avons donc bon espoir que ce soit le cas aussi au Gabon. On donne donc la chance aux opérateurs d’être des pionniers, notamment de l’offshore ultra profond, avec une loi d’une flexibilité qui fait d’elle l’une des plus attractives du continent.